L’un des problèmes quand on apprend une langue est de savoir comment la prononcer.
Si l’on se limite à la prononciation des sons et des mots, on fait face à deux difficultés :
- quel son produire?
- comment le produire?
En anglais, par exemple, il existe trois façons de prononcer les lettres « th » (voir Comment prononcer le « th » anglais).
Premier problème : quelle prononciation choisir et quand?
Deuxième problème : une fois la prononciation choisie, comment la produire? Les deux étapes sont différentes.
Pour résoudre la première difficulté, un outil très utile est l’alphabet phonétique international, dont je vais parler ici.
(Petite remarque avant d’aller plus loin : selon les circonstances et sans rentrer dans les détails, la prononciation des sons est en général écrite entre // ou []).
Premier problème : quel son prononcer?
Dans de nombreuses de langues, choisir la prononciation à utiliser n’est pas trop compliqué. On prononce plus ou moins, ou parfois exactement, ce qu’on écrit et toujours de la même façon. Une lettre (ou deux ou trois parfois) = un son. En finlandais, on prononce toujours comme on écrit, en allemand, néerlandais, espagnol, arabe plus ou moins aussi. Ainsi en allemand « ü » se prononce comme le « u » français de vu. En roumain « ț », se prononce /ts/. En espagnol le « n » se prononce /n/.
Le problème est que dans certaines langues, on fait parfois le grand écart entre ce qu’on écrit et ce qu’on dit. Deux exemples bien connus sont l’anglais et le français.
S’il y a trois prononciations pour « th » en anglais, il y en a encore plus pour « ough » (cough, enough, bought, through).
De même, pas facile pour les non-francophones de savoir que dans certains cas le « e » se prononce et dans d’autres pas ou que dans « Cet été, j’irai me promener à pied », « é, ai, er, ied » se prononcent tous de la même façon. Essayez de le faire comprendre que dans le mot « temps » on ne prononce ni le s final, ni le p, ni le m, ni le e, mais un son nasal qui n’est pas écrit!
C’est pour résoudre ce premier problème du choix du son à produire qu’on commence dès la fin du 19e siècle à développer de manière plus volontaire des alphabets phonétiques.
Le plus utilisé de ces alphabets aujourd’hui est l’alphabet phonétique international.
L’alphabet phonétique international
L’alphabet phonétique international (l’API) a été développé à la fin du 19e siècle pour aider les élèves et les professeurs de langue à apprendre et enseigner la prononciation des langues. Ils s’étaient bien rendu compte que la grande différence entre l’écrit et l’oral constituait un obstacle à l’apprentissage des langues, surtout de l‘anglais. Depuis, l’API s’est étendu pour être utilisé dans presque toutes les langues.
Comme son nom l’indique, l’API est international : il est utilisé dans le monde entier dans de très nombreux dictionnaires imprimés ou en ligne, dans les livres d’apprentissage de langues, sur les sites web, sur Wikipedia, Duolingo, dans le correcteur Antidote, etc. C’est l’une des premières pages que l’on trouve dans de très nombreux dictionnaires et souvent chaque entrée y est suivie de sa prononciation en API.
Voici trois exemples qui montrent l’utilisation de l’API : le dictionnaire du mac, wiktionary et une page du Bescherelle fondamental (un ouvrage pour enfants!).
L’API : comment ça marche?
Dans sa version de base, l’API offre une liste de signes qui indiquent un son. Chaque son a un signe, et un seul, quelles que soient les différentes façons de l’écrire. Ainsi /e/ indique à la fois « é », « er » en fin de verbe, « ai » dans certains verbes, « ied » dans pied, etc. »
Il existe des signes plus techniques que ceux de base repris dans les dictionnaires, mais ils concernent surtout les linguistes et autres spécialistes des langues.
L’API propose des signes qui ne sont pas utilisés dans toutes les langues. Il n’est donc pas nécessaire de tous les apprendre. Il suffit de connaitre les signes nécessaires pour votre langue ou celle que vous apprenez. Par exemple, le signe /θ/ indique le son de « th » dans «think» (on retrouve ce son en espagnol castillan ou en arabe). Comme ce son n’existe pas en français, il n’est pas repris dans les dictionnaires de français.
Voici, par exemple, les signes de l’API pour la prononciation du français.
Autre exemple, voici les signes utilisés pour l’anglais (GB, USA, Aust., etc.) présentés de manière interactive. Vous pouvez également télécharger à partir de cette page une application Iphone ou Android pour vous exercer à utiliser l’IPA en anglais.
A première vue tout cela peut sembler complexe, ésotérique même, mais on s’y habitue très vite. En fait, si vous regardez bien le tableau, vous connaissez déjà la plupart de ces signes.
Voici quelques exemples pour commencer.
Dans l’API le signe /y/ désigne le son de « u » dans « bu ». Une fois que l’on sait cela, il est très facile de lire /by, vy, ty, ny/ (bu, vu, tu, nu).
Le signe /u/ indique le son de « ou » dans « cou ».
C’est ici que l’API montre son utilité. Ainsi /tu/ indique la prononciation de « tout, toux, tous (quand on ne prononce pas le s) ».
Autre exemple. Le signe /ə/ (qu’on appelle le schwa, du nom d’une lettre de l’alphabet hébreux) désigne le son qui équivaut à « e » dans « le ». Ce signe appris, on sait qu’on prononce le « e » dans « le » /lə/, mais pas dans « ville » /vɪl/ puisque le /ə/ n’est pas repris dans la prononciation dans le dictionnaire.
Un exemple en anglais où le son /ə/ est très fréquent. Si on lit /əbaut/ dans le dictionnaire, on sait comment dire le mot « about » et qu’on ne dit pas /a/ au début, mais /ə/. De même pour « difficult », on ne dit pas /’dɪfɪkɪlt/, mais /’dɪfɪkəlt/.
L’API : pourquoi l’utiliser?
L’avantage de l’API est qu’il est universel, facile à apprendre et qu’il permet tout de suite de savoir comment prononcer un mot. Bien sûr, on peut apprendre une langue sans connaitre l’API, tout comme on peut jouer de la musique sans apprendre à la lire. Mais l’API rend les choses plus simples, en tout cas en ce qui concerne la prononciation des langues.
Petit rappel, l’API de base ne dit pas comment prononcer le son, mais quel son prononcer. C’est la phonétique et la phonologie qui s’occupent du comment. Ainsi, c’est bien de savoir qu’il faut prononcer un /y/, mais les personnes qui n’ont pas ce son dans leur langue maternelle (comme les anglophones, les Slaves, etc.) ont souvent besoin d’aide pour apprendre à le produire.
Quelques références
- Cahiers de l’Apliut, Phonétique, phonologie et enseignement des langues de spécialité – Volume 1 et volume 2, 2010
- Andy Arleo, Should IUT Students Learn the International Phonetic Alphabet?, 1993
- Dan Frost, La phonétique pour les vaches espagnoles, 2003
- Wander Lowie, De zin en onzin van uitspraakonderwijs, 2004